En ce mois de juillet 1996, Caroline Dickinson, une collégienne anglaise de 13 ans, effectue un séjour linguistique en France avec sa classe. Elle loge avec ses camarades dans une auberge de jeunesse à Pleine-Fougères en Bretagne et partage sa chambre avec quatre autres camarades de classe.
Il fait chaud cette nuit-là et les fenêtres sont grandes ouvertes. La porte d'entrée de l'auberge n'est pas verrouillée.
Un homme s'introduit dans le bâtiment, entre dans la chambre de Caroline qui dort sur un matelas posé au sol, la viole et la tue en l'étouffant. Tout cela sans que ses amies assoupies à quelques centimètres d'elle ne s'aperçoivent de quoi que ce soit.
Ce n'est que le lendemain à 8 heures que l'on découvre le corps sans vie de la petite anglaise.
Dès la découverte du drame la gendarmerie quadrille les lieux et les journalistes affluent par dizaines à Pleine-Fougères. Une information judiciaire est ouverte et le dossier est confié au juge d'instruction de Saint Malo Gérard Zaug.
Le fait qu'aucune des jeunes filles dormant dans la chambre de Caroline ne se soit rendue compte de rien laisse perplexe les enquêteurs. Voici ce qu'elles vont déclarer lors de leur audition par les gendarmes:
"Dans la nuit je me suis réveillée vers trois heures, j'ai entendu quelqu'un qui respirait avec difficulté". "J'ai été réveillée par des bruits, ça faisait comme si ça tapait sur quelque chose. J'ai vu Caroline qui bougeait, elle secouait les jambes de manière assez énergique. J'ai pensé qu'elle rêvait, qu'elle faisait un gros cauchemar".
L'enquête
L'inspection des lieux du crime va permettre de découvrir plusieurs indices. Un gros morceau d'ouate est découvert à proximité du corps de la jeune fille. C'est ce qui a sans doute servi à l'étouffer. Et surtout une trace de sperme laissée par le meurtrier sur sa cuisse va permettre de connaître l'empreinte génétique du coupable. Malheureusement ils n'ont aucun suspect avec qui la comparer.
Ce drame fait la une des journaux et bouleverse toute la Grande-Bretagne.
Sous l'énorme pression médiatique venue d'outre-Manche, les gendarmes vont arrêter quelques jours après le drame un SDF, Patrice Padé, qui avait été aperçu par des témoins à proximité de l'auberge de jeunesse.
Ce marginal tatoué et au casier judiciaire chargé a le profil idéal du coupable. Après 45 heures de garde à vue, épuisé, en manque d'alcool et harcelé par les gendarmes, il craque et avoue être l'auteur du crime.
Pour la justice française l'affaire est bouclée et le juge d'instruction organise le 23 juillet 1996 une conférence de presse très médiatique au cours de laquelle il annonce, triomphant, que le coupable a été arrêté sans même connaître le résultat des tests ADN.
Grave erreur car huit jours plus tard les analyses disculpent Patrice Padé qui est relâché. L'enquête repart à zéro.
Le 12 décembre 1996 John Dickinson débarque en France avec une idée en tête: accélérer l'enquête sur le meurtre de sa fille qui patine depuis des mois. Pour cela il lance un appel public devant les journalistes afin de trouver de nouveaux témoins.
Il demande également que soit réalisé un test génétique sur tous les hommes adultes de Pleine-Fougères, chose inédite en France mais très courante en Grande Bretagne.
Face au refus du juge Zaug, il se tourne vers les hautes instances judiciaires et réussit à faire remplacer le juge.
Le médiatique Renaud Van Ruymbeke reprend l'enquête et grâce à son aura va disposer de moyens considérables.
Tout d'abord les 170 hommes de 15 à 35 ans vivant à Pleine Fougère vont subir un test ADN, sans résultat.
Début 1998, le juge Van Ruymbeke se rend en Grande Bretagne pour ré interroger les camarades de Caroline Dickinson et va découvrir un élément nouveau. Plusieurs jeunes filles avaient repéré un homme au comportement étrange à proximité de l'auberge. A partir de ces infos un portrait robot est établi et diffusé dans la presse. Des centaines de témoignages vont affluer. Plus de 9000 personnes sont entendues et le juge impose un test ADN à tous les suspects potentiels.
Mais tous ces efforts vont finir par payer. Les enquêteurs vont découvrir que quelques heures avant le drame une autre agression a eu lieu dans une autre auberge de jeunesse à Saint Lunaire à quelques kilomètres de Pleine Fougère.
Enfin un suspect
Le juge délivre une commission rogatoire à toutes les brigades de gendarmerie de France demandant que soient recensés tous les incidents ayant eu lieu dans les auberges de jeunesse dans les deux ans précédant le drame. Plus d'une centaine de suspects sont interrogés et subissent un test génétique. Tous sont disculpés les uns après les autres. Au bout de quelques semaines il ne reste plus que deux ou trois noms sur la liste. Parmi eux se trouve le nom de Francisco Arce Montes, un espagnol d'une cinquantaine d'années connu des services de police pour avoir tenté de s'introduire dans une auberge de jeunesse en 1994.
Au printemps 2001 Francisco Arce Montes demeure toujours introuvable. Mais le 02 avril 2001 un extraordinaire coup du sort va permettre aux enquêteurs de mettre la main sur le suspect.
Tommy Onko, un officier de la police de l'immigration basé à l'aéroport de Detroit aux Etats-Unis tombe sur un article de journal traitant de l'affaire Dickinson et décide à tout hasard de consulter la base de données de la police pour vérifier, sans trop y croire, s'il se trouve sur le territoire américain.
Et l'ordinateur parle. Francisco Arce Montes se trouve aux Etats-Unis depuis plusieurs mois et est incarcéré en Floride pour attentat à la pudeur dans une auberge de jeunesse de Miami.
Aussitôt il prévient la police française qui dépêche immédiatement deux officiers en Floride pour effectuer des prélèvements d'ADN sur le suspect.
Le 14 avril 2001 les analyses parlent: Il y a 99.9 % de chances que l'ADN retrouvé dans la chambre de la victime soit celle de Francisco Arce Montes.
L'arrestation
Le 20 novembre 2001, l'Espagnol est extradé vers la France et mis en examen pour le viol et le meurtre de la petite Caroline.
Le 07 juin 2004 le procès en assise s'ouvre à Rennes. Il démontre que Francisco Arce Montes n'a vraisemblablement pas toute sa raison. Il souffre de troubles obsessionnels compulsifs et a déjà effectué plusieurs séjours en hôpital psychiatrique. Le procès permet également de faire une partie de la lumière sur le parcours criminel international de l'Espagnol. Tout d'abord en Allemagne entre 1985 et 1989 où il est à trois reprises impliqué dans des faits de viol à Brême, Tübingen et Fribourg qui lui valent cinq ans de prison. Puis en France en 1994 où il a tenté de s'introduire dans une auberge de jeunesse de Bléré. Enfin il est appréhendé en Espagne en 1997 alors qu'il s'apprêtait à violer une jeune fille. Malheureusement il s'échappe et prend la fuite à Miami où il est arrêté pour s'être masturbé dans la chambre d'hôtel d'une cliente.
Francisco Arce Montes est condamné le 14 juin 2004 à 30 ans de prison avec une peine de sûreté de 20 ans, condamnation confirmée en appel en juin 2005. Avec le cumul des peines prononcées en Allemagne et en Espagne il devrait passer le restant de ses jours derrière les barreaux.
Ce compte rendu contient un certain nombre d'erreurs sur le déroulement exact de l'enquête.
Rédigé par : Hirondelle | 06 décembre 2009 à 09:01