L'affaire des disparus de Mourmelon débute le 05 janvier 1980. Ce matin-là, les militaires du 4ème Régiment de Dragons de Mourmelon Le grand constatent l'absence, lors du rapport, de Patrick Dubois, jeune appelé de cette unité qui avait bénéficié d'un quartier libre la veille au soir. Cette disparition est très vite classée en procédure de désertion par l'armée et ne donne pas lieu à d'intenses recherches. Patrick Dubois venait d'être affecté à l'Escadron de Commandement et de Services après avoir accompli ses classes. Ce jeune homme de 19 ans était de nature timide et réservée et n'avait semble-t-il pas de raisons de déserter.
Un an plus tard, le 22 février 1981, les militaires du 3ème Régiment d'Artillerie de Mailly-Le-Camp (10) constatent l'absence de Serge HAVET, un jeune appelé de 20 ans qui était parti en permission, le vendredi après-midi précédent, 20 février 1981, en faisant de l'auto-stop, sur la route nationale 77, afin de rejoindre son domicile familial à Tinqueux (51). Tout comme pour la disparition de Patrick DUBOIS, de minces recherches sont organisées par les autorités, et l'affaire est assez vite classée en désertion.
Il ne lui restait plus que quelques semaines à passer sous les drapeaux. Ses proches et ses amis affirment qu'il est inimaginable que sa disparition soit volontaire d'autant plus que sa petite amie est enceinte de lui.
Le lundi 24 août 1981, les militaires du 503ème Régiment de Chars de Combat basé au camp de Mourmelon Le grand (51) constatent l'absence de Pascal SERGENT, militaire appelé au sein de cette unité qui était parti en permission de soixante-douze heures, pour rejoindre son domicile familial à Tagnon (08), le jeudi après-midi précédent, 20 août 1981, en faisant de l'auto-stop. A la demande de sa mère, quelques recherches sont entreprises mais ne donnent aucun résultat. Dans ce cas il paraît également impensable à sa famille qu'il ait pu décider volontairement de disparaître. Il souhaitait même s'engager dans l'Armée.
Découverte d'un corps
Le 4 octobre 1982, c'est au tour d'Olivier DONNER, jeune appelé du 4ème Régiment de Dragons basé à Mourmelon Le Grand de ne plus donner signe de vie. Il était parti en permission de soixante-douze heures le jeudi 30 septembre 1982 dans l'après-midi pour rejoindre la région de TROYES en faisant de l'auto-stop.
Le 30 octobre 1982, son corps est retrouvé par un chasseur au sud de Mailly-Le-Camp, dans un bosquet bordant la route nationale 77 en direction de Troyes. Les gendarmes constatent que son décès remonte à plusieurs semaines (Sa tête et son cou sont réduits à l'état de squelette) et qu'il porte les mêmes vêtements que lors de son départ de la caserne le 30 septembre 1982. Ses affaires ne sont pas retrouvées et l'autopsie ne permet ni de connaître la cause de sa mort ni de relever des indices. Olivier DONNER était un jeune homme d'une grande timidité. Sans véritable ami connu, sans liaison féminine et sans ressources.
La série continue
Le vendredi 23 août 1985, Patrice DENIS est déposé par un collègue de travail sur la route nationale 44, pour rejoindre, en auto-stop, le camp militaire de Mourmelon-Le-Grand. Il n'arrivera jamais à destination. Ce civil de 20 ans, équilibré et optimiste au sujet de son avenir, devait participer sur ce site à une campagne de lancement de fusées expérimentales organisée par l'Association Nationale Sciences Technique Jeunesses, dont il était membre. Cette cinquième disparition marque le vrai début de l'enquête sur "les disparus de Mourmelon" et tord le cou à l'hypothèse de la désertion puisque ce jeune homme n'était pas un appelé du contingent.
En menant leurs investigations sur cette disparition, les gendarmes de la Section de Recherches de Reims mettent en lumière, au mois d'avril 1986, une sixième disparition inexpliquée. Il s'agit de Manuel CARVALHO , un jeune appelé du 4ème Régiment de Dragons de Mourmelon Le Grand qui n'avait pas rejoint son corps, à l'issue d'une permission valable le week-end des 8 et 9 août 1981 et qui avait pris effet le vendredi 7 août au soir. Il se rendait au domicile de ses parents dans le Cher. Une fois de plus les recherches avaient été vite abandonnées pour cause de désertion supposée.
Le lundi 4 mai 1987, Patrick Gache, appelé au 4ème Régiment de Dragons de Mourmelon Le Grand ne se présente pas au rassemblement. Le jeune militaire avait quitté cette unité l'après-midi du jeudi 30 avril 1987, dans le cadre d'une permission valable du 1er au 3 mai 1987 inclus, afin de rejoindre son domicile familial à Annonay (07). Patrick GACHE, né le 20 août 1968 était décrit comme un jeune homme réservé mais sympathique.
Le 8 août 1987, le cadavre de Trevor O'KEEFFE, un jeune touriste irlandais, est découvert dans un bois de la commune d’Alaincourt (02). Son corps présente des traces de strangulation à l'aide d'un lien. Il apparaît assez vite aux enquêteurs que ce meurtre pourrait avoir un lien avec l'affaire des disparus de Mourmelon. En effet, à l'issue d'un court séjour chez l'un de ses amis en France, Trevor O'KEEFFE avait quitté Poligny, en faisant de l'auto-stop, pour rejoindre Calais via la route nationale 44 et la région de Chalons en Champagne. Ses affaires sont retrouvées à proximité du Lac du Der en Champagne.
Premières hypothèses
L'enquête sur les circonstances du meurtre de Trevor O'Keefe fournit de nombreuses informations sur le profil de l'assassin.
Le jeune irlandais a semble-t-il été tué par strangulation au moyen d'une cordelette. Cette méthode qui demande du sang froid et de la technique de la part de l'agresseur rappelle celles enseignées chez les commandos. Il s'agit vraisemblablement d'un homme entraîné aux techniques de combat, peut-être un militaire. L’aptitude à faire disparaître durablement les corps est également révélatrice : l'assassin est très organisé et connaît parfaitement le terrain. Tous ces éléments mènent les enquêteurs à poursuivre leurs investigations dans le milieu militaire mais également du côté du milieu homosexuel car dans 98 % des affaires mettant en cause des autostoppeurs les problèmes signalés sont en relation avec l’homosexualité.
Un suspect interrogé
Partant de ce constat, les gendarmes s’intéressent de près à un certain René A., marié, père de trois enfants dont le hobby est la drague des garçons. Dans le courant de l’année 1987, il est suivi jour et nuit par les gendarmes et son téléphone est mis sur écoute. L’enquête à son sujet montre qu’en 1973, 1977 et 1982 diverses affaires de mœurs lui sont reprochées. En tout ce sont 24 auto-stoppeurs qui se plaignent d’avoir subi ses avances. En outre aux dates des quatre premières disparitions entre 1980 et 1981 il était sans emploi et se trouvait dans la région de Mourmelon.
Après de multiples gardes à vue l’homme, harcelé par les enquêteurs, commence même à douter de sa santé mentale et est prêt à avouer être l’auteur des faits. Fort heureusement pour lui, la suite des évènements le mettra définitivement hors de cause.
Arrestation de Pierre Chanal
Le 9 août 1988, vers 18 heures, le maréchal des logis-chef André Jeunet s’engage en compagnie d’un autre gendarme sur un petit chemin sans issue sur la commune de Bussières près de Macon. Ce chemin est un accès au chantier de la ligne de TGV en construction qui fait l’objet d’une surveillance assidue à la suite d’actes de malveillance commis par des opposants au projet.
Soudain ils aperçoivent un combi Volkswagen vert qui vient à leur rencontre. Le prenant pour une camionnette d’écolos ils décident d’interpeller l’individu.
Le conducteur obtempère et s’empresse de leur indiquer qu’il est de la maison puisqu’il est lui aussi militaire ; précisément adjudant-chef au centre sportif d’équitation militaire de Fontainebleau. Intrigués par la présence dans cet endroit désert de cet homme seul qui semble assez nerveux, les gendarmes lui demandent de leur présenter ses papiers. En lisant la carte d’identité militaire le chef Jeunet découvre que l’homme s’appelle Pierre Chanal et qu’il a été affecté au 4e régiment de dragons de Mourmelon. Pour le gendarme, le nom de Mourmelon agit comme un déclic. En effet trois semaines auparavant les enquêteurs de la SR de Reims avaient envoyé un questionnaire à toutes les gendarmeries de France dans le but de recenser tous les militaires ayant fréquentés de près ou de loin les disparus dans la région de Mourmelon. Il demande donc à Chanal d’ouvrir la portière arrière du camping-car et découvre sur une couchette un jeune homme attaché par des sangles et des chaînes, bâillonné qui semble terrorisé.
Libéré de ses liens le jeune homme explique en anglais aux gendarmes qu’il s’appelle Baläzs Falvay. C’est un touriste hongrois qui a été pris en stop par Pierre Chanal alors qu’il souhaitait se rendre sur la côte d’azur. Il raconte que Chanal a prétexté s’être égaré pour s’arrêter dans un coin tranquille et qu’il s’est jeté sur lui en lui serrant violemment une sangle kaki autour du cou. Il l’a ensuite ligoté et a passé la nuit à lui faire subir des sévices sexuels.
La version de Chanal est toute différente. Il prétend que le jeune hongrois était consentant et qu’il l’a attaché et filmé afin de pimenter le jeu érotique.
Après avoir été prévenue par André Jeunet, la SR de Reims envoie immédiatement le gendarme Jean-Marie Tarbes à Macon afin d’interroger le suspect.
Premiers interrogatoires et premiers indices
Dès la première audition de Pierre Chanal, Jean-Marie Tarbes est persuadé qu’il tient un suspect dans l’affaire de Mourmelon. Militaire discipliné, entraîné aux combats rapprochés qui ne vit que pour l’armée et homosexuel pervers, il correspond en tous points au profil psychologique dressé grâce aux éléments de son enquête.
L’adjudant ne possède pas d’autre domicile que la chambre qu’il occupe au mess Magenta des sous-officiers de Fontainebleau. Lors de ses permissions et de ses congés il loge dans son camping-car. La pièce et la camionnette sont fouillées méticuleusement. Dans sa chambre les enquêteurs saisissent une quarantaine de slips de différentes tailles et une cassette audio sur laquelle on entend la voix de Chanal simulant une scène d’agression sexuelle sur un jeune militaire.
La fouille du combi permet la découverte de 27 cheveux, d’une pelle de l’armée américaine souillée de terre et encore d’une multitude de slips.
Ce n’est qu’en Mars 1989 que l’on connaît les premiers résultats des analyses effectuées sur les prélèvements du combi.
Six cheveux n’appartiennent pas à Chanal et sont différents les uns les autres. L’étude des poils pubiens permet de conclure en la présence de quatre individus. Les traces de liquide séminal trouvées sur les draps du combi montre qu’une partie du sperme appartient à un homme du groupe A (groupe de Chanal) et une autre à un homme du groupe O. Enfin la terre maculant la pelle correspond à celle prélevée à l’endroit où le corps de Trevor O’Keeffe a été retrouvé.
Au début de sa garde à vue Pierre Chanal est très coopératif et raconte son parcours aux gendarmes. Il leur énumère ses postes successifs dans l’armée en leur précisant qu’il a été muté à Mourmelon en 1977 car il avait atteint la limite de temps de présence au corps. Or, en réalité il a été déplacé à la suite d’un comportement violent qu’il avait eu avec des appelés : il leur avait tiré à balles réelles au dessus des têtes pour les faire ramper plus vite.
Mais dès que les gendarmes abordent ses pratiques sexuelles ou ses relations avec les appelés de Mourmelon il s’enferme dans un mutisme complet. A plusieurs reprises il se frappe la tête contre les murs ou les meubles. Chanal a subi des entraînements aux interrogatoires dans l’Armée et s’avère être particulièrement coriace dans cet exercice. Une anecdote montre à quel point il est aguerri : A son arrivée dans les locaux de la SR de Dijon, les gendarmes lui ont retirés sa montre pour qu’il perde toute notion de temps. Cependant, il a égrené mentalement les secondes s’écoulant durant les 24 premières heures de sa garde à vue et a même pu faire remarquer aux gendarmes qu’ils lui avaient écourté son temps de pose légal. Autant dire qu’il sera extrêmement difficile de le faire parler.
Premier Procès
Les 22 et 23 Octobre 1990 Pierre Chanal comparait devant la cour d’assises de Saône et Loire pour viol, séquestration et attentat à la pudeur sur la personne de Baläzs Falvay. Il est condamné à 10 ans de prison ferme, l’ombre des disparus de Mourmelon ayant pesé lourdement sur les jurés.
De nouvelles auditions
Leur but est d’obtenir son emploi du temps du mois août 1987 alors qu’il était en permission. Le suspect donne trois versions différentes. La seule chose qui est vraie c’est qu’il s’est bien rendu à Verdun, en Normandie et au para-club de Mourmelon mais les dates sont floues. Acculé face à ses contradictions par les enquêteurs il refuse d’en dire plus.
Décembre 1992, un coup de fil anonyme met les gendarmes sur la piste de « Kimberley », une ancienne hôtesse du bar « La renaissance » à Mourmelon qui aurait des révélations à faire au sujet de Chanal. Celle-ci est interrogé et déclare qu’elle a connu Chanal dans les années 80 et qu’il lui avait fait des sous-entendus au sujet des disparus de Mourmelon. Elle affirme également qu’il fréquentait le bar entre 12 heures et 14 heures tout comme Patrick Gache.
Ce n’est qu’en Février 1993 que les experts identifient un cheveu de Patrick Gache et de Trevor O’ Keeffe. Pour la première fois depuis huit ans, la juge d’instruction adresse aux gendarmes une commission rogatoire qui n’est plus suivie contre X mais contre Pierre Chanal mis en examen pour séquestrations et assassinats.
La nomination d’un nouveau juge (Pascal Chapart) en septembre 1994 relance l’enquête qui faisait du surplace. Il délivre en novembre 1994 une seule commission rogatoire générale regroupant l’ensemble des disparus.
Fin 1994 l’avocat de Chanal trouve un expert affirmant que les expertises sur la terre accrochée à la pelle ne sont pas fiables. A la suite de cela il demande la mise en liberté de son client qui a déjà tenté de mettre fin à ses jours.
Le 19 juin 1995, après une grève de la fin et plusieurs tentatives de suicide, Pierre Chanal est libéré pour bonne conduite.
Nouvelles analyses scientifiques
En décembre 1995, le professeur Muller de Metz qui avait analysé les 27 cheveux retrouvés dans le combi « retrouve » un scellé dans lequel se trouvent plus de 80 cheveux dont une bonne soixantaine possèdent un bulbe qui n’ont jamais été analysés. Les avancées techniques notamment les recherches sur l’ADN ouvrent de nouveaux espoirs aux familles des victimes.
En 1996, une énième expertise de la terre accrochée à la pelle confirme bien qu’il s’agit de celle prélevée près du cadavre du jeune irlandais.
L’enquête s’éternise
En 1998, une méticuleuse enquête sur l’emploi du temps de Chanal en août 1987 permet de conclure avec certitude qu’il n’était ni à Verdun ni en Normandie les 3 et 4 août 1987 jours probables de l’enlèvement et de l’assassinat de Trevor O’ Keeffe.
Ce n’est que début 1999 que la présence d’éléments pileux de Patrice Denis et de Patrick Gache est définitivement démontrée. De fortes probabilités existent pour que d’autres cheveux aient appartenu à Trevor O’ Keeffe. Ces résultats relancent le dossier.
Le second procès n’aura pas lieu
Le 2 août 2000 l’enquête est enfin close. En août 2001 Chanal est renvoyé devant les assises pour le meurtre de Patrice Denis, Patrick Gache et Trevor O’ Keeffe. Trois dossiers pour lesquels il existe des éléments à charge suffisants. Pour les cinq autre il ne reste que des présomptions.
Le procès doit s’ouvrir le 14 mai 2003 à Reims. Le 15 mai Chanal tente de mettre fin à ses jours et le procès est renvoyé au 14 octobre 2003.
Au matin du 15 Pierre Chanal se suicide laissant les familles des victimes dans le désarroi le plus total.
Fin 1990, les gendarmes d’Amiens entendent de nouveau Chanal à propose de l’affaire O’ Keeffe.
http://cialis-20-mg.com/#6126 cialis,
Rédigé par : cialis 20 mg | 09 décembre 2013 à 15:46
Est que le groupe O retrouvé, était du groupe O + ?
Rédigé par : Lydie ALLOUARD | 28 mai 2012 à 11:41
Un site intéressant sur l'affaire des disparus de Mourmelon, avec de nombreux articles :
www.lemague.net/dyn/spip.php?article1873-147k
Rédigé par : Albert Loisel | 03 juin 2008 à 16:13
Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur cette affaire scandaleuse:
www.lemague.net/dyn/article.php3?id_article=1873-94k
Un site trés complet, avec de trés nombreux témoignages.
à découvrir!!!
Rédigé par : Avrom Durtette | 08 janvier 2007 à 12:18
Un site sur cette affaire:
www.disparusdemourmelon.org
Site remarquablement documenté.
Rédigé par : Octave Jurey | 21 décembre 2006 à 18:04