La principale du collège retrouvée assassinée
En ce 21 avril 1993, le collège Pierre-Brossolette de La Chapelle Saint-Luc dans l’Aube est vide. Nous sommes en pleine période de vacances scolaires. Vers 13 heures 40, le concierge pénètre dans le bureau du chef d’établissement afin d’y nettoyer les vitres. Mais en entrant dans le secrétariat attenant il découvre avec horreur le corps sans vie de Denise Descaves, 55 ans, principale du collège. La victime a un coupe-papier planté dans le ventre et un fil de téléphone enroulé trois fois autour du cou. Son corps présente plusieurs entailles de cutter.
Dans le bureau, le désordre apparent montre qu'il y a eu lutte entre la principale et son agresseur. Le fil du téléphone a été arraché et deux autres coupe-papier sont retrouvés, non loin du corps, ensanglantés et tordus.
Début de l'enquête
Les enquêteurs prélèvent sur place de nombreuses tâches de sang. Elles sont toutes issues de la victime. Le médecin légiste situe la mort par strangulation vers 13 h 15, au plus tôt.
Les policiers tentent alors de reconstituer le déroulement des évènements. La dernière personne à avoir vu la victime vivante est sa secrétaire qui déclare être partie déjeuner vers 12 heures 05 et avoir vu la principale travailler dans son bureau dont la porte était verrouillée de l'intérieur. Comme à son habitude elle avait mis le trousseau de clés à ses pieds.
Cependant, lorsque le concierge est entré dans le bureau, les clés étaient sur la porte, à l'intérieur. En conclusion, Denise Descaves a du se lever et ouvrir la porte à son agresseur. Devant cet élément, l'enquête s'oriente vers un familier de la principale, d'autant plus que l'hypothèse du voleur est exclue vu que son sac à main est complet et qu'il n'y a aucune trace d'effraction.
Pierre Dubois soupçonné
Au moment du crime, les policiers identifient quatorze personnes se trouvant sur les lieux. Un jardinier, des ouvriers, le concierge, cinq femmes de ménage et Pierre Dubois le directeur de la section d'éducation spécialisée (SES), petite structure pour élèves en difficulté rattachée au collège. Cet homme d'une cinquantaine d'années vit sur place avec sa femme et sa fille.
Les soupçons de la police vont très vite se porter sur lui en raison d'un conflit qui l'oppose à la victime au sujet d'une notation administrative. Cinq jours après le drame, Pierre Dubois est placé en garde à vue et très vite avoue être l'auteur du meurtre. Mais ces aveux sont plutôt incohérents. Il demande notamment aux policiers s'il a pu commettre ce crime sans s'en rendre compte et déclare qu'il a étranglé Madame Descaves avec les mains entre 12 heures 10 et 12 heures 20, horaire incompatible avec les constatations du médecin légiste.
Devant ces contradictions matérielles, Pierre Dubois se rétracte et est finalement remis en liberté au bout de vingt-quatre heures de garde à vue.
La piste du toxicomane
Quelques mois plus tard en novembre 1993, un détenu informe la police qu'un de ses amis toxicomanes "Karim" a raconté à sa compagne que, le soir du meurtre, il était allé au collège récupérer de la drogue qui y était cachée et qu'il avait « planté » une femme, en utilisant un coupe-papier trouvé sur le bureau.
Le toxicomane est identifié et placé en détention pendant trois semaines mais après enquête la piste est abandonnée en raison du comportement agité et dément du suspect qui confirme avoir prononcé ces aveux à son amie mais nie être l'auteur des faits.
Changement d'enquêteurs
Deux ans plus tard, un nouveau légiste est nommé et après analyse des relevés de température du corps il estime que la mort pouvait remonter à midi. De plus, en observant les photos de la victime, il juge possible un début de strangulation à la main. Ces constatations annulent les incohérences matérielles des aveux de Dubois qui est de nouveau soupçonné.
A ce moment-là, de nouveaux policiers sont chargés de l'enquête qui vont, convaincus de la culpabilité de Pierre Dubois, échafauder un mobile:
Mme Descaves aurait eu l'intention, de baisser la note administrative de Pierre Dubois. Une procédure disciplinaire aurait pu être engagée par le rectorat, puis Pierre Dubois reclassé comme psychologue scolaire et muté, aurait perdu 3 000 francs de revenus mensuels. C'est pour cela qu'il serait allé voir la principale ce 21 février 1993, se serait emporté et aurait commis l'irréparable.
Pierre Dubois incarcéré
Face à ses nouveaux éléments, Pierre Dubois est incarcéré le 25 avril 1997, quasiment quatre ans jour pour jour après le crime.
Le procès de Pierre Dubois débute le 09 juin 2000 aux assises de l'Aube.
L'accusation
Durant le procès, parmi les éléments à charge on note le témoignage du commissaire principal Christian Wuilbaut qu'aucun doute ne semble ébranler. Parmi ses arguments, apparaît le témoignage d'un jardinier qui affirme avoir aperçu le jour du meurtre vers 12 heures 20, l'accusé portant un survêtement de couleur bleue.
Ce créneau horaire correspond tout à fait aux conclusions du second médecin légiste et aux aveux initiaux de l'accusé. En outre un rapport d'expertise démontre qu'une soixantaine de fibres textiles relevées sur la veste de Mme Descaves sont similaires à celles du pantalon de survêtement de Pierre Dubois.
Par ailleurs plusieurs anciens collègues de l'accusé à Bar-sur-Aube vont le décrire « coléreux », « orgueilleux », « mielleux », « odieux » et « faux », jugeant son caractère tout à fait compatible avec les faits qui lui sont reprochés.
La défense
Maitre Jean-Louis Pelletier, avocat de la défense, appuie son argumentaire sur les nombreuses incohérences du dossier.
Dans un premier temps il fait remarquer à l'audience la multitude de revirements des témoins qui coïncident avec l'arrivée de la nouvelle équipe d'enquêteurs. Le jardinier déclare au moment du drame qu'il n'a rien vu puis deux ans après raconte avoir vu Pierre Dubois en survêtement alors que sa femme et sa fille prétendent qu'il n'est pas sorti durant la pause déjeuner et qu'il portait un pantalon de velours ce jour-là.
Une femme de ménage affirme à la barre que, lorsqu'elle apprit à l'accusé le meurtre de Mme Descaves, elle le vit « blêmir comme un gamin pris en train de voler des bonbons ». En 1993, juste après les faits, elle indique : « Il m'a semblé vraiment surpris et sous le coup d'une émotion réelle. » Cette fois la volte-face semble imputable à une voyante qui l'a convaincu de la culpabilité de Dubois.
Enfin d'autres collègues de l'accusé, plus récent, louent sa courtoisie et ses qualités d'écoute.
De plus l'avocat de la défense met en doute la fiabilité des conclusions du second légiste qui s'est, en partie, appuyé sur de simples photos.
Pour finir, l'expert psychiatre ne décèle chez Pierre Dubois « aucun trouble psychiatrique », ni particulière impulsivité.
Au sujet de ses aveux, Pierre Dubois explique les avoir prononcés pour faire admettre que sa femme, alors placée en garde à vue, était étrangère à cette affaire.
En dépit des nombreux doutes restant en suspend, Pierre Dubois est condamné à 20 ans de réclusion criminelle le 16 juin 2000.
Bénéficiant de la toute récente loi sur la présomption d’innocence, Pierre Dubois fait appel de sa condamnation et est rejugé à la cour d’appel de Paris. A nouveau reconnu coupable de meurtre, il voit sa peine allégée à 15 ans de réclusion le 02 mars 2002.
Commentaires