Le samedi 22 mai 1999 vers 18 heures 30, les corps de quatre ressortissants néerlandais sont retrouvés sauvagement assassinés dans la ferme de "La Goupillère", une maison de vacances située sur la commune de Monfort dans le Gers. Les victimes sont les époux Atie (51 ans) et Marianne Van Hulst (50 ans), propriétaires de la maison, ainsi que la soeur de Mme Van Hulst, Dorothea Nieuwenhuis (57 ans), et son mari, Johan Nieuwenhuis (62 ans).
Ce dernier est retrouvé dans la cuisine face contre terre, bâillonné, pieds et poignets entravés par du ruban adhésif et égorgé par arme blanche. Sur son dos les enquêteurs relèvent une douzaine de traces de coups de couteau.
Dorothea Nieuwenhuis, dont le corps est découvert dans une chambre du rez-de-chaussée, semble avoir subi les mêmes violences que son époux tout comme Marianne Van Hulst, retrouvée à l'étage.
Le corps d'Atie Van Hulst est découvert un peu plus tard dans une pièce aveugle donnant sur la cuisine. Pour cela, les gendarmes de la compagnie de gendarmerie d'Auch ont du forcer la porte car elle était bloquée par une planche de bois calée contre plusieurs valises, vraisemblablement par la victime elle-même pour se protéger. Contrairement aux trois autres cadavres, le propriétaire de la maison est mort d'un coup de feu tiré dans le thorax.
Dans leurs premières constatations, les enquêteurs relèvent que le quadruple meurtre a été soigneusement préparé. En effet, le ou les meurtriers ont pris soin de dissimuler les trois véhicules des victimes dans le garage et de replacer la chaîne barrant l'accès à la propriété, sans doite pour laisser croire que la maison était inoccupée. A l'intérieur, aucune trace de lutte n'est visible mais le désordre général laisse à penser que les lieux ont été fouillés.
Les premiers éléments de l'enquête, n'excluent aucune hypothèse, hormis celle d'un triple meurtre suivi d'un suicide. Cependant, la thèse du cambriolage ayant mal tourné cadre mal avec les constatations des enquêteurs. En effet, dans l'un des véhicules, un coffre-fort portatif contenant un peu d'argent et des papiers n'a pas été emporté par l'agresseur.
Aux Pays-Bas, ce drame fait la une des journaux. Les époux Van Hulst sont décrits comme des gens sans histoire. A la tête d'une entreprise florissante de distribution de matériel de sécurité basée à Oss, ils étaient également engagés politiquement au sein du parti libéral de droite VVD. Johan Nieuwenhuis était quant à lui salarié d'une firme d'informatique de Gouda alors que son épouse travaillait dans une société de vente de livres par correspondance. Rien dans la vie des quatre victimes ne laissait augurer pareille tragédie.
De leur côté, les enquêteurs poursuivent leurs investigations en reconstituant l'emploi du temps des victimes dans les dernières heures précédant leur mort. C'est ainsi qu'ils découvrent que les époux Nieuwenhuis et Marianne Van Hulst ont passé la soirée du jeudi 20 mai 1999 dans un restaurant des environs, Atie Van Hulst étant resté seul dans la maison pour bricoler. D'après le témoignage de la restauratrice ils ont quitté l'établissement vers 23 heures en emportant une assiette garnie pour Atie.
Quelques jours après la découverte du drame, une première piste qui semble sérieuse oriente les enquêteurs vers un détenu allemand en cavale suspecté d'avoir assassiné quelques mois auparavant deux couples d'amis près de Coblence dans des circonstances similaires à celles de Monfort. Il s'agit de Dieter Zurwehme, 56 ans, évadé le 2 décembre 1998 d'une prison allemande où il était incarcéré pour le meurtre d'une femme à Aix-la-Chapelle. Finalement, l'homme est interpellé le 19 août 1999 à Greifswald, une petite ville de la côte baltique mais aucun élément ne permet de le mettre en cause dans cette affaire.
Malgré tout l'enquête va très vite avancer lorsque Kamel Ben Salah, un artisan de 34 ans, est arrêté et placé en garde à vue le 23 juin 1999. C'est grâce à la carte bancaire d'une des victimes avalée dans un distributeur automatique de Montauban, après trois tentatives de retrait, que l'homme est repéré par les gendarmes. Il s'était en outre présenté spontanément à la gendarmerie quelques jours après le début de l'enquête afin de signaler qu'il avait travaillé au noir chez les époux Van Hulst le soir du meurtre en précisant qu'ils étaient vivants au moment de son départ vers 23 heures 30.
Originaire de Marseille, Kamel Ben Salah s'était récemment installé dans le Gers à Estramiac avec sa compagne et l'enfant de cette dernière. Employé à la mairie de Sarrant, il n'avait jamais fait parler de lui hormis en 1997 lorsqu'il avait été condamné à de la prison avec sursis pour avoir tiré sur un homme avec son fusil sans l'atteindre.
En garde à vue, Ben Salah ne fait aucun aveu et persiste dans ses dénégations. Il est malgré tout mis en examen pour « assassinats, escroquerie et tentative d'escroquerie » le 24 juin.
Pourtant, malgré quelques coïncidences troublantes, les enquêteurs ne parviennent pas à fournir de preuves formelles de son implication dans le drame de Monfort. Certes ses empreintes digitales et son ADN sont retrouvées sur un adhésif ayant servi à baillonner une victime, mais ayant fait des travaux de peinture dans la maison il aurait très bien pu utiliser ce rouleau afin de protéger les meubles. Certes, les jours suivant les meurtres, sa présence à proximité de distributeurs de billets dans lesquels des retraits d'argent ont été effectués avec les cartes des victimes, est établie à Auch et à Roques-sur-Garonne mais aucun témoignage ne vient confirmer ses faits, pas plus que les bandes vidéos dont les images de mauvaise qualité sont inexploitables.
Par ailleurs, Ben Sallah ne dispose d'aucun alibi pour la nuit des meurtres, sa compagne ne l'ayant pas entendu rentrer après avoir pris des calmants. Lui, persiste à dire qu'il a regagné son domicile vers 23 heures 30, or les relevés d'appel de son téléphone portable précisent qu'il a tenté d'appeler chez lui à deux reprises vers 2 heures 30 du matin.
Enfin, les enquêteurs découvrent qu'il a changé les housses de sa voiture quelques jours après le quadruple meurtre mais son amie précise que "c'était prévu de longue date".
Face à ces éléments pour la plupart imprécis, les avocats de Kamel Ben Salah, dont le très médiatique Gilbert Collard, vont alors brandir le spectre de l'erreur judiciaire. Clamant toujours son innocence depuis le fond de sa cellule de la maison d'arrêt d'Agen, Ben Salah va même tenter de mettre fin à ses jours le 7 octobre 1999 en absorbant des barbituriques.
Deux ans et demi plus tard, lorsque s'ouvre son procès aux assises du Gers, sa ligne de défense n'a pas changé d'un pouce. Ses premiers mots seront : "Je ne suis pas d'accord avec ce qui a été dit là. Depuis le début, je crie mon innocence et je suis innocent".
Lors de l'analyse de la personnalité de l'accusé, on apprend qu'il a vécu une enfance particulièrement instable, balloté entre sa mère en France et son père en Tunisie. Plongeant très jeune dans les petites combines et le trafic de supéfiants, il a également été poursuivi pour des actes de violence sur sa soeur alors qu'elle l'hébergeait. Mais jusque-là rien ne permettait d'envisager un acte aussi abominable, surtout dans le but de subtiliser quelques milliers de francs.
Au bout de deux semaines de débats et en dépit des multiples incertitudes du dossier, les jurés de la cour d'assises ont finalement été convaincu par le scenario établi par Pierre Handburger, avocat des parties civiles. Il est condamné en avril 2002 à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans.
Lorsque s'ouvre son procès en appel devant la cour d'assises de Gironde en mars 2003, Kamel Ben Salah n'a pas changé sa ligne de défense. Il est innocent et les éléments qui l'accablent sont, selon lui, de malheureuses coïncidences. Mais en donnant des explications pour le moins confuses sur son emploi du temps le jour des meurtres, l'accusé ne plaide pas vraiment pour sa cause. Et sans surprise, il est condamné à la même peine qu'en première instance.
Aujourd'hui de grandes incertitudes subsistent toujours dans ce dossier.
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