Jeudi 13 mai 1993. Il est 9 heures lorsqu'un homme vêtu de noir, cagoulé et portant un casque se présente dans la classe de Laurence Dreyfus à l'école maternelle du Commandant Charcot de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Immédiatement il lui livre ses intentions: "Il s'agit d'une prise d'otages" et lui demande d'en informer la directrice. Interloquée, la jeune femme se rend dans le bureau de Suzanne Souilhé et lui annonce l'inquiétante nouvelle.
Les deux femmes retournent donc dans la classe où les élèves sont restés seuls avec le forcené. Ce dernier leur donne ses premières instructions qui sont de fermer les volets et les portes et d'obturer la vitre qui donne dans le couloir par ce message sans équivoque: "Défense d'entrer, sinon tout saute".
Peu après la directrice informe la police de la situation dans son établissement. Quinze minutes plus tard, Aimé Touitou, directeur de la police des Hauts-de-Seine se présente seul dans l'école et commence à négocier avec le preneur d'otages, notamment en essayant de le convaincre de laisser sortir les enfants. En guise de réponse, il reçoit plusieurs lettres de revendications signées des mystérieuses initiales "H.B.".
Dans la matinée, la nouvelle tombe sur les téléscripteurs des différentes rédactions et fait logiquement la une de tous les flashs. En apprenant cela les parents des enfants scolarisés dans l'école se précipitent sur place, totalement affolés. Seuls les 21 bambins de la classe de Mme Dreyfus sont encore dans le bâtiment. Les parents concernés sont pris en charge par les autorités qui doivent canaliser leur stress bien compréhensible dans pareille situation.
Dans la rue la presse arrive en masse pour couvrir ce fait divers particulièrement spectaculaire et va tenir en haleine la France entière jusqu'au dénouement final. Même les médias internationaux sont présents. Il est vrai qu'une prise d'otage dans une école, ce n'est pas courant et cela arrive en plus dans un établissement de la banlieue chic de Paris, fréquenté par des enfants de notables. Qui plus est dans le département du ministre de l'intérieur Charles Pasqua et dans la ville du ministre du budget Nicolas Sarkozy. Il n'y a aucun doûte sur le fait que H.B. a souhaité médiatiser son action au maximum.
Loin de l'agitation extérieure, Aimé Touitou poursuit son dialogue avec le forcené avec l'intention de gagner du temps pour pouvoir préparer une intervention. Le dispositif est en train de se monter avec à sa tête le ministre de l'intérieur et le préfet des Hauts-de-Seine. Les hommes du R.A.I.D., l'unité d'élite de la police nationale, arrivent également sur place.
En lisant la longue liste de ses revendications, les policiers découvrent que H.B. ne souhaite pas dialoguer avec eux, qu'il veut qu'une rançon de 100 millions de francs lui soit versée et qu'il est déterminé à aller jusqu'au bout (Il est armé et a introduit des explosifs dans l'école). Pour ne laisser planer aucun doute, il conclut sa lettre de revendication par cette phrase: "Je ne serai pas pris vivant".
L'homme a minutieusement préparé son coup. Il a même pris la peine de rédiger une lettre à l'intention de Charles Pasqua.
Au travers de ses textes soigneusement rédigés sur un ordinateur, les négociateurs du R.A.I.D. découvrent que H.B. est instruit (il n'y a aucune faute d'orthographe), et qu'il apparaît extrêmement rigoureux. C'est selon les psychologues, très souvent le signe d'une paranoïa.
A l'aide d'un périscope, les spécialistes du laboratoire de la préfecture de police identifient le dispositif de mise à feu utilisé par H.B. Plusieurs charges explosives sont placées à proximité des portes et il porte sur lui une ceinture d'explosifs. Tout cela est relié à un détonateur qu'il peut actionner via une poignée qu'il ne quitte pas des mains. Très organisé, il a même pensé à installer un système de sécurité qu'il actionne lorsqu'il est seul dans la classe, mais dès qu'un adulte rentre dans la pièce il le désactive pour refroidir toute tentative d'intervention de la part des policiers.
Compte tenu des quantités d'explosifs présentes à l'intérieur, les techniciens estiment qu'aucune personne ne sortirait vivant après une explosion dans un rayon de 5 mètres autour de lui. Tout cela n'est pas fait pour rassurer les policiers et encore moins les parents qui sont réunis dans une pièce à l'intérieur de l'établissement.
La difficulté pour les négociateurs, c'est de pouvoir identifier le preneur d'otages. Connaître son passé, sa famille, ses amis, pourrait les aider à le raisonner. Mais à ce stade des évènements leurs informations sont bien minces et les investigations de la brigade criminelle ne donnent rien. La police ne peut même pas se baser sur sa voix puisqu'il ne s'exprime que par écrits et par gestes.
A la mi-journée, Pierre Narboni, le père d'un des enfants s'approche de la porte de la classe, invité par les hommes du R.A.I.D. à dialoguer avec H.B.. Mais lorsqu'il reconnaît son papa son fils court se jeter dans ses bras malgré le refus de H.B.. Poussé par l'instinct de sauver son enfant, le père prend la fuite. Lucas, 3 ans, est le premier enfant libéré. Il est 13 heures. Bien évidemment, les journaux relaient cette information qui redonne un peu d'espoir aux autres parents.
En début d'après-midi, M. Narboni poursuit les négociations avec le forcené en compagnie d'hommes du R.A.I.D.. A force de persuasion, ils parviennent à faire libérer 4 enfants supplémentaires, notamment en échange de nourriture. L'intervention de M. Narboni s'arrête à l'arrivée du maire de la ville, Nicolas Sarkozy. Ce dernier décide de le remplacer compte-tenu des responsabilités qui sont les siennes à Neuilly. Il va donc informer H.B. que désormais, c'est avec lui qu'il faudra traiter. Il reste alors 16 enfants dans la classe.
En discutant avec lui, il parvient à faire libérer d'autres écoliers. H.B. semble se rendre compte qu'avec le temps, les enfants commencent à s'agiter et qu'il y en a peut-être trop autour de lui. L'image du futur chef de l'Etat portant dans ses bras les enfants pour les rendre à leurs parents fait le tour des rédactions.
En fin d'après-midi, le preneur d'otage a négocié un poste de radio en échange de la libération d'un enfant supplémentaire. Désormais, il écoute France-Info en permanence. Apprenant cela, Charles Pasqua décide d'appeler le directeur de la station de radio pour l'en informer. Ce dernier donne donc consigne à ses journalistes de donner un minimum d'informations sur ce qui se passe à l'extérieur de l'école.
Peu à peu, pour éviter que des informations confidentielles ne viennent jusqu'aux oreilles de H.B., les autorités éloignent la presse des environs du bâtiment, y compris en interdisant le survol de la commune en hélicoptère.
Dans la soirée, la situation à l'intérieure de la classe devient infernale. Les enfants, séquestrés depuis plusieurs heures sont surexcités et sales car ils doivent faire leurs besoins dans la pièce. Le forcené demande donc à ce qu'une femme médecin viennent l'aider à calmer les élèves et à mettre un peu d'ordre en préparation de la nuit qui arrive. Catherine Ferracci, médecin du SAMU rejoint donc le groupe avec pour consigne d'essayer de faire libérer quelques bambins en évitant toutefois d'énerver le preneur d'otage qui a menacé dans sa lettre de revendication, et c'est assez farfelu, de vider des enfants de leur sang si cela venait à mal tourner.
A moins d'une heure des journaux du soir, H.B. demande à ce qu'un journaliste de TF1 vienne à sa rencontre. Jean-Pierre About, l'envoyé spécial de la chaîne, accepte donc de pénétrer dans la classe après un briefing donné par les hommes du R.A.I.D.. La rencontre sera brève. Le preneur d'otages souhaite faire une mise au point sur ses revendications qui n'ont rien de politiques comme l'ont suggéré certaines journalistes. Tout ce qu'il veut c'est recevoir 100 millions de francs en lingots d'or et en devises et sortir de l'école en direct devant les caméras de télévision.
De leurs côtés les policiers poursuivrent leurs investigations en écoutant tout ce qui se dit dans la classe grâce à des micros placés par le R.A.I.D. et parviennent à faire la relation entre le forcené et un attentat à la bombe qui a fait quelques dégats matériels dans un parking parisien quelques jours auparavant. Dans cette affaire, un tract signé "H.B." menaçait que bientôt un autre attentat, beaucoup plus violent, feraient des dizaines de victimes.
La nuit est tombée sur Neuilly et de nombreux badauds, touchés par le calvaire que subissent ces enfants, se pressent aux abords de l'établissement scolaire. Jusqu'à une heure du matin, plusieurs enfants sont libérés en échange d'éléments de confort, de nourriture ou d'argent. Au milieu de la nuit, Seuls 6 enfants sont encore séquestrés avec leur institutrice Laurence Dreyfus qui a souhaité rester avec eux et Evelyne Lambert, une femme médecin des pompiers qui relaie sa collègue du SAMU.
Au petit matin du vendredi 14 mai, H.B. présente des signes de tension évidents. Il n'a pas dormi de la nuit et devient de plus en plus nerveux. Il décide tout d'abord de congédier Nicolas Sarkozy des négociations puis ce sera le tour de Catherine Ferracci. Pierre Lyon-Caen, le procureur de Nanterre devient le nouvel interlocuteur du preneur d'otages. Mais ce dernier semble de moins en moins enclin à négocier.
Il semble persuadé que sa fin est proche et le signale au procureur. Selon lui l'intervention des policiers est iminente et les ordres sont clairs, il faut l'abattre. Tentant de le rassurer, Pierre Lyon-Caen lui propose de sortir vivant de cette situation en sortant avec lui de l'école et en prenant la fuite au volant d'une voiture.
A 16 heures, H.B. donne sa réponse au procureur. Il est hors de question qu'il se rende mais il souhaite partir au plus vite avec l'argent qui lui a déjà été versé. Une heure plus tard, il impose deux nouvelles conditions à sa fuite. Il veut une arme et souhaite partir en compagnie d'un enfant. Si un homme du R.A.I.D. accepte de lui céder son arme, il est bien évident qu'aucun enfant ne partira seul avec lui.
Face à ce refus bien compréhensible, les négociations se rompent et Neuilly s'apprête à vivre une nouvelle nuit d'angoisse. Au milieu de la nuit, le procureur et l'institutrice quittent la classe pour quelques heures afin de se reposer un peu en vue d'une nouvelle journée de négociations. Six fillettes dorment en compagnie d'Evelyne Lambert et de H.B. qui est épuisé après plus de 40 heures sans sommeil.
Finalement, à 7 heures 30 le samedi matin une certaine agitation dans la cour de l'école attire l'attention des journalistes. De leurs postes d'observations, ils croient distinguer plusieurs enfants aux bras de policiers. La nouvelle est tout de suite annoncée sur les ondes: Le dénouement semble proche. Des rumeurs laissent même entendre que le forcené aurait été neutralisé.
La confirmation ne tarde pas. Les autorités annoncent que H.B. a été tué par un policier du R.A.I.D. et que les enfants et l'institutrice sont sains et saufs. Dans la matinée, le premier ministre Edouard Balladur vient sur place féliciter tous les acteurs de cette issue heureuse. Dans une conférence de presse improvisée, Charles Pasqua ne cache pas sa satisfaction: "Force est restée à la loi. Le forcené est mort". Lance-t-il en conclusion de son intervention.
Les journaux du lendemain sont unanimes pour saluer le courage des protagonistes du drame et en particulier de Laurence Dreyfus et d'Evelyne Lambert. Le R.A.I.D. donne également sa version de l'issue de la prise d'otage.
Vers 7 heures 25, H.B. s'est assoupi sous l'effet conjugué de la fatigue et de calmants versés par la police dans son café. Evelyne Lambert a alors fait un signe pour indiquer que c'était le moment d'intervenir. En quelques minutes, les policiers profitent donc de ce moment de relâchement pour s'introduire dans la classe. Une équipe est chargée d'extraire les enfants tandis que d'autres hommes s'assurent qu'H.B. ne se réveille pas. Mais à cet instant H.B. ouvre les yeux et voyant les hommes armés face à lui a un sursaut et tente d'actionner le bouton de commande de sa ceinture d'explosifs. Le responsable du groupe d'urgence du R.A.I.D. Daniel Boulanger ne lui en laisse pas le temps et l'abat de trois balles dans la tête.
En consultant les papiers qu'il porte sur lui, les enquêteurs connaissent enfin l'identité de celui qui a tenu en haleine la France entière pendant 46 heures. Il s'appelle Erick Schmitt et c'est un informaticien au chômage de 42 ans. Les mystérieuses initales H.B. livrent enfin leur secret. Cela signifie Human Bomb.
Erick Schmitt est originaire de la région de Béziers où les gens qui l'ont connu le décrivent comme un garçon sans histoire et plutôt réservé. A l'âge de 16 ans il s'engage dans l'armé de Terre. C'est là qu'il apprend à manipuler des armes et les explosifs. A la fin de son contrat en 1982, il créé avec des associés une entreprise de maintenance informatique en région parisienne. Les affaires vont bien et il investit tout son temps dans la bonne marche de sa société. Il n'a pas de famille connue. Mais en 1987 tout bascule après un confilt avec ses associés. Il perd de nombreux clients et est finalement placé en liquidation judiciaire. Cet évènement le marque au plus profond de son coeur. Son entreprise était toute sa vie, à présent il n'a plus rien et sombre dans la dépression. Voilà sans doute l'origine de son passage à l'acte.
Quelques semaines après la prise d'otage, la famille d'Erick Schmitt porte plainte car elle estime que ce dernier a été exécuté par la police alors qu'il était possible de l'interpeller vivant. Le syndicat de la magistrature lance lui aussi la polémique en affirmant que le procureur Pierre Lyon-Caen n'a pas été informé qu'une opération était prévue avec notamment l'administration d'un produit anesthésiant dans le café du preneur d'otages. Pourtant, selon lui, il aurait dû donner le feu vert de l'intervention. Au lieu de cela il a appris le dénouement dans sa voiture en revenant à l'école.
Comme une plainte est déposée par la famille, un juge d'instruction est nommé pour enquêter sur les circonstances de l'assaut final. Le rapport d'autopsie apporte un premier élément. Le crâne d'Erick Schmitt présente deux plaies alors que trois ont été tirées. Cette constatation accrédite la thèse qu'il était profondément endormi au moment de l'intervention puisque deux balles ont suivi la même trajectoire. L'autre élément à charge provient du témoignage du capitaine Lambert. Sachant que le forcené avait ingéré des produits anesthésiants, cette dernière a volontairement fait du bruit dans la classe et a même secoué H.B. pour vérifier qu'il dormait bien. Or elle indique qu'il n'a pas réagi à ces stimulations.
Du côté de la presse et de l'opinion publique, cette polémique n'a aucun effet. S'en étant pris à des enfants, Erick Schmitt n'inspire aucune compassion de la part de la majorité des français.
7 avril 1995, le juge d'instruction délivre finalement une ordonnance de non-lieu, estimant que le policier du R.A.I.D. a agit en état de légitime défense. Le dossier de la prise d'otage de l'école de Neuilly est définitivement refermé.
C est un veritable plaisir passez a lire ce billet, je vous en remercie chaudement !!!
Rédigé par : Arrondir a Domicile | 29 décembre 2013 à 03:37
Monsieur Cancès, vous avez écrit dans votre livre 36, quai des Orfèvres: L'amour et l'amitié page 500, cela n'est pas le cas de vos collègues.
Monsieur Cancès, j’ai votre livre 36 quai des Orfèvres, fort heureusement vous ne parlez pas de Suire ancien contrôleur général de la police, cet individu est complice du plus grand voyou de Thouars Guillot ancien commandant de police, ce n’est pas une honorable espèce de voleurs, ils droguent leur victime pour la dépouiller, de ces viles et lâches pratiques ont entraîné la destruction de l’industrie française. Je prends la responsabilité de mes écrits : voir sur Internet suire ancien contrôleur général de la police—guillot flic – jacques goguy—eric goguy etc.
Rédigé par : jacques goguy | 22 août 2012 à 17:21
HB n'a jamais ingéré de produits anesthésiants. C'est confirmé par l'autopsie.
Rédigé par : aramis | 24 juin 2012 à 17:26
Bien joué la manipulation Sarkozy / Pasqua, tout le monde a gobé l'histoire bien docilement, Sarkozy a pu se transformer en super héros, augmenter sa popularité auprès des veaux et se raser plus sereinement le matin en pensant devenir un jour président.
Rédigé par : zouzou | 26 mai 2012 à 22:19