4 janvier 1999, Simon Cohen, 31 ans, a rendez-vous avec un acheteur pour céder sa Jaguar. Les deux hommes se sont mis en contact suite à une petite annonce parue dans la centrale des particuliers. Curieusement, l'acheteur qui dit s'appeler Frédéric Adman a souhaité acquérir le véhicule avant même de le voir et sans tenter de négocier le prix pourtant conséquent (390.000 F). Adman a proposé à Simon Cohen de finaliser la transaction dans son restaurant/boîte de nuit à Viry-Châtillon (Essonne). Lorsque Simon Cohen arrive sur les lieux, Adman lui annonce que son banquier doit venir lui apporter un chèque certifié pour payer la Jaguar.
En attendant il lui propose de visiter son établissement. Peu enchanté par cette perspective, Simon Cohen accepte tout de même par politesse. La discothèque se trouve au sous-sol du bâtiment et son état de délabrement lui donne un air lugubre. Malgré tout le propriétaire semble fier de son affaire et il lui fait même une médiocre démonstration aux platines.
Comme le banquier n'arrive toujours pas et qu'il est pressé, le propriétaire de la Jaguar propose à l'acquéreur de repasser plus tard. C'est à cet instant que Adman coupe la musique et éteint les lumières, puis demande à Simon Cohen de le suivre vers un petit réduit qui donne sur le restaurant. En s'approchant, le jeune homme voit Adman pointer une carabine vers lui puis sent instantanément une brûlure transpercer son poumon. Incrédule, il pense que c'est une carabine à plomb et que le coup est parti tout seul. Mais en voyant Adman ré-armer sa 22 long rifle, il comprend qu'il est tombé dans un guet-apens et tente de fuir à tout pris. Malgré quatre autres impacts dans les cotes, le dos et le bras, il parvient à se réfugier dans la véranda des voisins de la discothèque en sautant une clôture.
En sang et paralysé par la douleur et la peur, Simon Cohen implore les voisins d'appeler la police, ce qu'ils font immédiatement, ce Adman ne leur ayant jamais inspiré confiance depuis son arrivée dans le quartier.
Quelques secondes plus tard, l'agresseur est dans la rue et explique à ses voisins que Simon Cohen est un cambrioleur et qu'il ne faut pas le croire. Mais en apprenant que la police est en route, il déguerpit au volant de sa Renault Clio.
Les secours arrivent très vite et la victime survit à ses blessures grâce à l'intervention d'un chirurgien réputé de la banlieue parisienne.
Dans un premier temps, Simon Cohen suppose que le commanditaire de sa tentative de meurtre est le mari de sa maîtresse Joëlle qui vient d'apprendre leur liaison. Placé en garde à vue pendant 48 heures, il est finalement mis hors de cause. Les policiers vont également explorer la piste de la Jaguar qui leur paraît suspecte car la carte grise n'est pas au nom de Simon Cohen. Mais ce dernier va leur donner une explication tout à fait recevable. Se rendant compte qu'il venait de faire une folie en achetant cette voiture, il avait décidé de la remettre en vente avant un délai de un mois afin de ne pas avoir à payer les frais importants d'immatriculation pour une telle cylindrée.
Les policiers se penchent donc sur le propriétaire de la discothèque "Le New Love", et apprennent qu'il ne s'appelle Frédéric Adman mais Alfredo Stranieri et qu'il a un casier judiciaire pour de petites escroqueries. En se rendant chez lui à Soisy-sur-Seine, ils sont reçus par son épouse qui semble particulièrement étonnée par ce qu'ils lui apprennent. A leur départ, elle leur promet de les prévenir dès le retour de son mari mais alors que ce dernier la contacte dans la soirée pour lui donner un rendez-vous sur un parking elle n'en fait rien croyant ou feignant de croire la version de Stranieri. Selon lui il a risposté à une agression. Les enquêteurs perdent donc la trace de leur suspect.
Dans un secteur où les règlements de compte entre petits voyous sont quotidiens, les policiers ne prennent pas vraiment l'affaire au sérieux et les mois passent sans que Stranieri ne soit localisé.
Pourtant cette nouvelle attire particulièrement l'attention de M. et Mme Girard. Leur fille Nathalie a disparu depuis le 10 novembre 1997. En concubinage avec Frédéric Adman, alors propriétaire du New Love, elle leur avait annoncé par téléphone qu'ils venaient de vendre au prix fort l'établissement. Depuis ce coup de fil ni lui, ni elle n'avaient donné signe de vie.
Après deux mois de vaines tentatives, Claude Girard tombe sur le nouveau propriétaire de la discothèque en passant un énième coup de téléphone à Viry-Châtillon. Ce dernier, qui s'appelle Alfredo Stranieri lui explique que la transaction s'est déroulée normalement chez le notaire, puis que le couple aurait quitté la région, vraisemblablement pour l'étranger.
Comme Nathalie Girard n'entretient pas de très bonnes relations avec ses parents depuis le début de sa liaison avec Frédéric Adman qu'ils n'apprécient pas, M. Girard suppose que c'est le petit ami de sa fille qui l'a convaincu de couper les ponts avec sa famille.
Seul, Claude Girard poursuit son enquête et découvre que le compte de sa fille a été vidé quelques semaines après sa disparition au profit de Frédéric Adman. Plus étrange, les comptes bancaires d'Adman sont à leur tour vidés. Inquiets, les Girard se rendent au commissariat de Juvisy au début de l'année 1998. Mais étant donné que Nathalie est majeure et saine d'esprit, les fonctionnaires ne jugent pas nécessaire d'enquêter sur cette double disparition.
Comprenant qu'ils ne trouveront aucune aide auprès des autorités, les époux Girard vont passer les mois suivants à mener leur propre enquête à Viry-Châtillon. Jour après jour, ils vont surveiller les allers et venues de Stranieri et tenter de l'interroger à plusieurs reprises. Au départ peu bavard, l'homme va peu à peu donner quelques informations pour se débarrasser de ces parents particulièrement obstinés à retrouver la trace de leur fille.
C'est ainsi qu'il leur annonce un beau jour que Nathalie est passée le voir et qu'elle était enceinte. Elle lui aurait ensuite dit qu'elle devait prendre un train pour Marseille. Après vérifications, Claude Girard s'aperçoit qu'aucun train ne devait partir pour Marseille à l'heure indiquée par Stranieri. De plus, ils ne croient absolument pas que leur fille soit tombée enceinte sans leur annoncer la nouvelle. Tout ces mensonges ne font qu'accentuer leur inquiétude.
Une autre fois, Stranieri leur raconte que Nathalie est revenue lui réclamer 200.000 F car elle aurait besoin d'argent. Or M. Girard sait que sa fille possède plus de 80.000 F sur un compte épargne qu'elle n'a pas touché depuis sa disparition.
De plus en plus suspicieux vis à vis de Stranieri, Claude Girard va passer des jours et des nuits à planquer dans le quartier de la discothèque. Puis au bout de plusieurs mois de vaines investigations, il placarde des centaines d'avis de recherche autour du New Love avec une récompense de 5000 F à toute personne lui permettant d'avancer dans son enquête. Comble du cynisme, Alfredo Stranieri va se plaindre à la gendarmerie pour que ces affiches soient retirées et il va même être recommandé à M. Girard de ne plus venir dans le quartier, sa présence créant des nuisances.
Ce n'est qu'à l'annonce de l'agression de Simon Cohen par Stranieri, plus d'un an après la disparition de sa fille, que Claude Girard pense enfin que la police va s'intéresser à son affaire. Mais malgré un courrier envoyé au procureur de la République d'Evry, rien ne bouge.
A l'autre bout de la France, en Aveyron, Claude Moully et Nicole Rousseau, qui sont en train de se séparer ont mis en vente leur auberge "La Bouriatte" située à Bez-de-Naussac. Un homme qui se présente sous le nom de Mario Stranieri et qui prétend être gérant d'une grande discothèque en région parisienne se porte acquéreur de l'affaire pour un montant de 4.000.000 F sans même essayer de négocier le prix. Aux anges, Nicole Rousseau informe son fils Pascal que le compromis de vente a été signé le 12 avril 1999.
Une semaine plus tard, alors qu'il était prévu qu'il vienne passer le week-end avec sa mère, Pascal Rousseau est étonné de tomber sur le nouveau propriétaire en appelant à La Bouriatte depuis sa voiture. Ce dernier lui explique que Claude et Nicole sont partis ensemble en train et qu'ils lui ont laissé les clés de l'auberge afin qu'il puisse s'installer.
Corinne Moully, la fille de Claude n'a, elle non plus, aucune nouvelle de son père pendant plusieurs semaines. Morte d'inquiétude, elle décide donc de se rendre à la Bouriatte pour en savoir plus. Sur place, elle rencontre Mario Stranieri qui se comporte comme s'il était déjà propriétaire des lieux.
En faisant une demande de recherche dans l'intérêt des familles à la gendarmerie, elle rencontre la même indifférence que les parents de Nathalie Girard lorsqu'ils étaient allés signaler la disparition de leur fille au commissariat. Particulièrement entêtée, Corinne Moully s'installe donc plusieurs jours dans la petite maison où vivait son père, juste en face de l'auberge. Son but: surveiller Mario Stranieri qui ne lui inspire aucune confiance. Ses craintes sont un peu plus justifiées lorsqu'elle s'aperçoit que son père est parti en laissant ses médicaments pour le coeur dans sa pharmacie. Armée d'un fusil et barricadant sa porte la nuit, Corinne Moully a pris la ferme décision de ne pas quitter l'Aveyron sans savoir ce qu'est devenu son père.
De son côté, Pascal Rousseau passe plusieurs coups de fil à Mario Stranieri et tente de lui tirer les vers du nez mais ses explications sont pour le moins confuses. Selon lui, Claude et Nicole se trouvent en Suisse où ils seraient partis placer leur argent. Là-bas, Nicole aurait subi une opération de chirurgie esthétique qui aurait raté et ce serait la raison de son silence. Pascal Rousseau n'est pas convaincu par ce récit, c'est le moins que l'on puisse dire.
Finalement, suite à la découverte de deux courriers particulièrement troublants, les gendarmes vont enfin prendre les inquiétudes de Pascal Rousseau et Corinne Moully au sérieux. Ces deux lettres, soit-disant écrites de la main de Nicole Rousseau explique qu'elle a disparu de sa propre initiative et qu'elle donne tout pouvoir à Mario Stranieri pour la gestion de l'auberge.
C'est également à ce moment-là que les gendarmes s'aperçoivent qu'Alfredo Stranieri, le frère de Mario est recherché pour avoir tiré sur Simon Cohen à Viry-Châtillon. Or le compromis de vente de l'auberge la Bouriate est au nom d'Alfredo Stranieri et non pas de Mario. Tout cela est troublant et le 7 juillet 1999, Mario Stranieri est placé en garde à vue à la gendarmerie de Capdenac (Aveyron).
Mais au moment de l'identification, les enquêteurs découvrent que les empreintes de leur suspect, jusqu'à présent seulement soupçonné d'escroquerie, sont celles d'Alfredo Stranieri. L'homme a pris l'identité de son frère car son casier judiciaire lui interdisait la gestion d'une entreprise. L'affaire prend une toute autre tournure puisque Alfredo Stranieri est recherché pour tentative de meurtre. Il est donc déplacé en région parisienne pour être entendu par le juge d'instruction d'Evry.
Face au magistrat il donne une version peu convaincante de ce qu'il s'est passé dans la discothèque en janvier 1999. Selon lui, Simon Cohen serait venu en compagnie de trafiquants de voitures et l'aurait menacé avec un couteau. Il lui aurait alors tiré une seule balle de 22 long rifle pour se défendre. Pourtant, il est établi que Simon Cohen a reçu cinq balles dans le corps, ce à quoi répond Stranieri, non sans culot, que sa balle a très bien pu ricocher sur des casseroles pendues dans la cuisine.
La reconstitution sur les lieux corrobore la version de Simon Cohen. Plusieurs douilles sont retrouvées dans la discothèque et des traces de sang confirment le trajet qu'il dit avoir emprunté pour échapper à son agresseur.
Pour les juges et les enquêteurs, l'affaire semble entendue au sujet de l'agression de Simon Cohen. En revanche, tout reste à faire dans le dossier des doubles disparitions à Viry-Châtillon et Bez-de-Naussac.
Le premier à faire la relation entre l'agression de Simon Cohen et la disparition du couple Adman-Girard est Jérôme Glaize, journaliste au quotidien Le Parisien. Pourtant les policiers de Juvisy avaient toutes les cartes en main mais un manque de communication entre les services semble à l'origine de cette omission.
Le 13 juillet 1999, Claude Girard, toujours à la recherche de sa fille, reçoit un coup de fil du journaliste. Ce dernier lui apprend qu'Alfredo Stranieri vient d'être arrêté dans l'Aveyron où un couple a disparu après lui avoir vendu une auberge. M. Girard comprend alors que sa fille a été assassinée en compagnie de son concubin Frédéric Adman.
Compte-tenu des éléments nouveaux portés à la connaissance du juge d'instruction, le dossier est confié à la brigade de recherche d'Evry et d'importants moyens sont déployés pour retrouver les corps des disparus dans la région de Bez-de-Naussac.
Mais c'est du côté de Viry-Châtillon que l'affaire va tout d'abord avancer à l'initiative de Claude Girard. En essayant de rassembler ses souvenirs, le père de Nathalie se rappelle qu'il avait remarqué dans le jardin du New-Love une bâche bleue, à côté de laquelle de la terre avait été récemment retournée. Convaincue qu'il vient de découvrir la sépulture de sa fille il appelle immédiatement les autorités en les menaçant de creuser lui-même s'ils n'interviennent pas sur les lieux. Et le 19 juillet 1999, sous ses yeux, les corps de sa fille et de Frédéric Adman sont retrouvés par les gendarmes à l'endroit qu'il leur avait indiqué.
Le lendemain, Alfredo Stranieri est conduit dans l'Aveyron où des fouilles sont organisées autour de la Bouriatte. Dans la journée, les corps de Claude Moully et Nicole Rousseau sont retrouvés enterrés dans le jardin de l'auberge. Le couple a succombé à de violents coups portés à la tête.
Devant les juges d'instruction de Rodez et d'Evry, Alfredo Stranieri nie l'évidence et se déclare étranger à ces affaires de meurtre. L'enquête permet d'en savoir un peu plus sur le lourd passé d'escroc de Stranieri, habitué aux falsifications de documents et aux montages financiers pour le moins hasardeux. Logiquement, l'homme est mis en examen pour enlèvement, séquestration et assassinat.
Son procès s'ouvre le 18 février 2003 devant les assises de l'Essonne. Durant les quinze jours de débats, Stranieri va refuser d'endosser le quadruple meurtre et donc de donner aux familles des victimes les explications qu'elles attendent. Au lieu de cela il va se montrer arrogant et donner des réponses particulièrement fantaisistes et incohérentes aux questions qui lui seront posées. Malgré l'absence d'aveux, Alfredo Stranieri est confondu par la carabine 22 long rifle retrouvée par les policiers lors de la perquisition de la discothèque. C'est avec cette arme que Nathalie Girard et Frédéric Adman ont été tués et que Simon Cohen a été grièvement blessé. En revanche l'arme ayant servi à assassiner Claude Moully et Nicole Rousseau n'a jamais été retrouvée.
Dans une ultime pirouette avant le verdict, Stranieri va tenter d'impliquer un tueur ayant opéré dans la région de Rodez peu après son arrestation. Mais Jean-Marie Von Matt, qui s'est donné la mort après avoir tué trois personnes, ne peut pas être l'auteur de double crime de la Bouriatte puisqu'il était aux Etats-unis au moment des faits.
Sans surprise, Alfredo Stranieri est donc condamné le 28 février 2003 à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une peine de sûreté de 22 ans. En mars 2004, cette condamnation est confirmée par la cour d'appel de Créteil et son pourvoi en Cassation est rejeté début 2005.
j'ai très bien connu cette discotheque et frédéric Adman, j'était dj dans cette boite...
Rédigé par : Eric | 20 janvier 2012 à 22:48
Il y a longtemps que je ne crois plus en la justice.
Rédigé par : Dubitatif | 11 mars 2011 à 09:35
Le Juge d'Instruction en ESSONNE a tellement bien Instruit QUE ....
Bonjour,
Cette deuxième tuerie atroce en Aveyron a pu ce produire car le Juge d'Instruction de l'ESSONNE, Jean-Marie D'HUY, n'a pas fait son "travail" dans l'enquête de la tuerie de Viry Chatillon.
Ce Juge donnait plus d'importance aux dires de Monsieur Alfredo Stranieri qu'aux inquiétudes '''Justifiées''' des Parents des VICTIMES assassinées.
Cette Instruction bâclée, ce non sens a conduit à ce nouveau drame monstrueux.
Mais "on " n'en a pas tenu rigueur à ce Juge, car devenu "célèbre dans l'affaire Clearstream où il tente de se faire passer pour un Juge humble, sérieux, anti corruption. Là, l'Instruction a été acharnée, impitoyable, extravagante.
-- Pouvons-nous en déduire :
Qu'en FRANCE la VIE des citoyens "d'en bas" n'a pas beaucoup de valeur, d'importance ?
Que la Justice ne serait pas indépendante mais sous "Influences" ?
Rédigé par : GUILLOTON | 19 novembre 2008 à 19:55
Je désire lire des conversation, des échanges d'idées, avoir des réactions, des commentaires des avis, par forum ou autres sur tout ce qui concerne Alfredo Stanieri sur ses faits sur sa vie.
contacter moi par mail.
Merci
Rédigé par : Patrick | 13 août 2008 à 10:20
Une affaire haletante et mystérieuse, ponctuée de nombreux rebondissements. Quand la réalité dépanne les fictions, Hollywood lit les journaux pour s'inventer de nouvelles histoires!
Rédigé par : Valentin | 14 juillet 2008 à 18:06