24 janvier 1991, le petit ami de Pascale Escarfail, une jeune étudiante de 19 ans, est inquiet. Sa compagne n'a plus donné signe de vie depuis plusieurs jours. Il décide donc d'appeler la police qui se rend dans la soirée au domicile de la jeune femme. En pénétrant dans l'appartement, les fonctionnaires découvrent immédiatement le corps de Pascale. Elle gît dénudée sur son lit, visiblement morte après avoir été égorgée.
Devant la sauvagerie de cette agression, les policiers préviennent leurs collègues de la brigade criminelle qui font les premières constatations. Deux éléments les orientent tout d'abord vers la piste du crime d'un proche. D'une part la porte n'a pas été forcée et pratiquement aucun objet n'a été volé.
C'est ainsi que Guillaume Reboul, le petit ami, se retrouve soupçonné par les policiers. En perquisitionnant chez lui, ils découvrent un texte tapé à la machine dans lequel est décrit un meurtre qui ressemble étrangement à celui de Pascale Escarfail. Face à cet indice particulièrement compromettant, le jeune homme est placé en garde à vue.
Heureusement, après quelques heures d'interrogatoire, Guillaume Reboul est mis hors de cause. En plus il a un alibi puisqu'au moment du meurtre, il dînait chez son frère. En fait il s'était tout simplement amusé à écrire une esquisse de roman policier sur une machine à écrire que lui avait prêté un ami.
Pour tenter de comprendre ce qu'il s'est passé le soir du crime, les enquêteurs reconstituent l'emploi du temps de Pascale et découvrent qu'elle avait dîné chez des amis avant de rentrer chez elle à pied. Ces investigations leur permettent de constater que la porte de son immeuble met douze secondes avant de se refermer, de quoi laisser le temps à son agresseur d'entrer dans le hall puis de l'obliger à lui ouvrir la porte de son appartement en la menaçant.
L'enquête de voisinage laisse à penser que Pascale Escarfail a été assassinée aux alentours de 23 heures 30, heure à laquelle des habitants de l'immeuble ont entendu une conversation animée suivie de bruits sourds.
L'autopsie du corps donne de nouvelles informations. La victime a été égorgée par son agresseur après avoir été violée. De plus son pantalon a été découpé en forme de Z avec un couteau. Ses sous-vêtements ont eux aussi été découpés. La piste du maniaque sexuel est alors privilégiée par les policiers mais aucun indice supplémentaire ne leur permet de progresser dans leurs investigations et les mois passent.
Trois ans plus tard, le 24 janvier 1994, soit à la date anniversaire du meurtre de Pascale Escarfail, Catherine Rocher, une jeune employée d'une agence de communication est retrouvée égorgée dans le parking de son immeuble. La macabre découverte est faite par son patron qui s'était rendue chez elle pour prendre de ses nouvelles, Catherine n'ayant plus donné signe de vie depuis deux jours.
Le corps de la victime se trouve dans sa voiture. Elle a été violée puis torturée avant d'être tuée par arme blanche. L'assassin n'a laissé aucun indice sur la scène du crime, ni empreinte digitale, ni empreinte génétique. Seul le témoignage d'un voisin permet d'établir le portrait-robot d'un Européen moustachu d'une cinquantaine d'années qui se trouvait dans le garage quelques heures avant l'agression. Mais cette piste ne donne rien.
Le 9 novembre 1994, Elsa Benady, une attachée de presse de 22 ans est assassinée dans les mêmes conditions que Catherine Rocher dans le parking de son immeuble. Son corps est retrouvée dans sa voiture par son frère. Elle a, elle aussi, été violée, torturée puis égorgée. Compte tenu des similitudes entre ces deux affaires, l'enquête est confiée au groupe déjà en charge du dossier de Catherine Rocher.
Les vêtements d'Elsa, et notamment son pantalon découpé en Z tout comme celui de Catherine Rocher, donnent aux enquêteurs la quasi-certitude qu'ils ont affaire au même homme. Mais cette fois, ils ont un indice supplémentaire puisqu'une petite tâche de sang est prélevée dans le véhicule et il ne s'agit pas de celui de la victime. L'ADN de l'assassin est donc peut-être entre les mains de la justice.
En revanche, le lien avec l'assassinat de Pascale Escarfail n'est pas établi à ce moment de l'enquête et ce en dépit des similitudes constatées dans la découpe des vêtements.
Quelques jours plus tard, le 9 décembre 1994, Agnes Nijkamp, une Hollandaise de 33 ans rentre chez elle rue du Faubourg Saint-Antoine après avoir bu un verre avec des amis dans le quartier de la Bastille. Son agresseur la suit jusque dans son escalier mais arrive trop tard pour entrer de force dans son appartement. Un peu plus tard, la jeune femme, qui n'a rien remarqué, ressort de chez elle pour aller dîner au restaurant mais l'homme l'attend sur le palier et l'oblige à rentrer dans l'appartement où il la viole puis la tue à l'arme blanche.
Cette fois les similitudes dans le mode opératoire du tueur avec l'agression de Pascale Escarfail permettent de relier les deux affaires. Des traces de sperme sont prélevées sur la scène du crime. L'ADN du tueur ainsi isolé est comparé à celui de l'affaire Benady. Mais les empreintes génétiques ne correspondent pas. Les enqupêteurs croient alors que deux tueurs en série isolés opèrent en même temps dans la capitale.
Le 16 juin 1995, Elisabeth Ortega, 23 ans, rentre chez elle, rue des Tournelles après une soirée en boîte de nuit. Arrivée devant sa porte, un inconnu l'agresse avec un couteau et lui demande de le faire entrer dans son duplex. A l'intérieur il lui explique qu'il est en cavale et qu'il a besoin de se cacher. Mais après quelques minutes de conversation, il attache la jeune femme sur son lit avec du sparadrap et s'apprête à passer à l'acte lorsqu'il s'aperçoit qu'une petite lumière qui pourrait attirer l'attention à cette heure de la nuit est allumée à l'étage. Et alors qu'il monte l'escalier pour aller l'éteindre, Elisabeth profite de ces quelques secondes pour déserrer ses liens et sauter par la fenêtre. Tandis que la victime trouve refuge dans un bar tout proche, l'agresseur s'est envolé.
D'après le témoignage d'Elisabeth Ortega, un portrait-robot du "prédateur" est publié. Selon elle, il s'agit d'un homme de type "Nord-Africain".
Le 8 juillet 1995, Hélène Frinking, 27 ans, est égorgée à son domicile du 10e arrondissement de Paris. Elle rentrait d'un enterrement de vie de jeune fille lorsqu'un homme l'a suivi jusqu'à chez elle pour la violer et la tuer. Les enquêteurs ont alors la confirmation qu'il s'agit d'un (ou deux) tueur(s) en série. Cette fois, le mode opératoire est exactement le même que dans les dossiers Escarfail et Benady. La victime est baîllonnée et attachée au niveau des mains et des pieds avec du sparadrap. Son pantalon est découpé en forme de Z et son soutien-gorge est sectionné entre les deux bonnets. Elle est ensuite violée et torturée avant d'être achevée en étant égorgée à l'aide d'un couteau Opinel N°12. Dans l'appartement d'Hélène Frinking, les enquêteurs récoltent également un nouvel élément. Le tueur a marché dans une flaque de sang, et il a la particularité d'avoir un "pied égyptien" (Le second orteil est plus long que le pouce).
Mais malgré ces indices l'enquête piétine. Seule l'analyse d'une empreinte ADN relevée sur une cigarette découverte dans le duplex d'Elisabeth Ortega permet d'établir avec une certitude que l'agresseur est le même que celui d'Agnes Nijkamp.
Pendant ce temps, le tueur poursuit sa traque. Le 25 août 1995, dans le quartier du marais il suit Mélanie Bacou, 20 ans, jusque devant la porte de son appartement. Sous la menace de son Opinel il l'oblige à lui ouvrir mais son petit ami se trouve à l'intérieur. Paniqué l'agresseur prend la fuite mais perd son portefeuille dans l'aventure. Immédiatement, le jeune couple se rend au commissariat avec les papiers d'identité de l'individu. Il s'appelle Guy Georges et est arrêté le 9 septembre. Pour cette agression, il est condamné à 30 mois de prison et, chose incroyable, le lien entre cette affaire et les cinq meurtres n'est pas établi par la police.
Cependant, l'équipe chargée de l'enquête sur le ou les tueurs en série, procède, au moment de l'arrestation de Guy Georges, à l'interrogatoire de tous les criminels et délinquants sexuels actuellement en prison dans la région parisienne. Parmi eux, se trouve évidemment Guy Georges puisqu'il est incarcéré à Fleury-Mérogis. Des prises de sang sont systématiquement organisées afin de les comparer à l'ADN retrouvé dans la voiture d'Elsa Benady. Pour Guy Georges, la réponse est claire. Ce n'est pas son sang qui se trouvait dans le véhicule.
A la brigade criminelle, deux équipes distinctes travaillent sur les meurtres des appartements et sur les meurtres des parkings. Mis hors de cause dans l'affaire Benady (du moins pour ce qui est de l'empreinte ADN relevée), Guy Georges est ensuite présenté devant Elisabeth Ortega qui a passé 45 minutes en compagnie de son agresseur. Sans doûte terrorisée au moment des faits, la jeune femme ne reconnaît pas Guy Georges. En outre, le détenu n'a pas la particularité d'avoir un pied égyptien. Et donc son ADN n'est pas comparé aux deux empreintes identiques retrouvées sur Agnes Nijkamp et sur une cigarette chez Elisabeth Ortega. Une nouvelle fois l'homme passe entre les mailles du filet.
Durant deux ans, aucun meurtre imputable au tueur en série n'est commis dans la capitale. Mais, alors que Guy Georges vient d'être libéré, une nouvelle jeune fille est tuée dans les mêmes circonstances que les précédentes le 23 septembre 1997. Il s'agit de Magali Sirotti, une étudiante de 19 ans, violée puis égorgée en plein jour dans son appartement du 19e arrondissement. Comme à chaque fois, les vêtements de la victime sont découpés et ses mains et ses pieds sont attachés avec du sparadrap. Cette fois le tueur a pris soin de ne laisser aucune trace derrière lui.
Les policiers et le juge Gilbert Thiel, en charge de l'instruction, ont évidemment la conviction que l'homme qu'ils recherchent a encore frappé. A ce moment de l'enquête, la presse n'est pas au courant qu'un tueur en série sévit à Paris depuis plusieurs années, le juge Thiel ayant préféré la discrétion afin de ne pas alerter l'agresseur et ne pas paniquer la population. Mais excédée par la lenteur de l'enquête, la famille d'Hélène Frinking contacte Claudine Proust, une journaliste du Parisien pour lui suggérer de consulter les archives du quotidien traitant de meurtres de jeunes femmes commis ces dernières années.
En recoupant ses informations, la journaliste est mise au courant de la situation mais respecte dans un premier temps le souhait de Gilbert Thiel de ne pas entraver l'enquête.
Et le 15 novembre 1997, une septième victime est retrouvée morte dans son appartement du 11e arrondissement. Comme les autres, Estelle Magd, 25 ans, a été attachée, violée puis égorgée. Un t-shirt ensanglanté permet de déceler la même empreinte ADN que dans les affaires Agnes Nijkamp, Hélène Frinking et Elisabeth Ortega. Mais en l'absence de fichier d'empreintes génétiques des délinquants sexuels, cet ADN ne peut être comparé à rien.
Cette fois la presse ne peut plus garder ces informations pour elle et "sort" le scoop en surnommant l'homme recherché "le tueur de l'est parisien". Durant plusieurs semaines la psychose va s'emparer de la population de Paris et notamment des jeunes femmes seules.
Comme l'affaire est mise au grand jour, le juge Thiel prend la décision de diffuser le portrait-robot de l'assassin dans les journaux et force la main des laboratoires d'analyse génétique travaillant pour la justice pour qu'ils comparent l'ADN du meurtrier avec toutes les empreintes qu'ils ont dans leurs archives.
Or cette procédure n'entre pas exactement dans le cadre légal puisque le fichier des empreintes génétiques n'existe pas encore à l'époque et Gilbert Thiel doit user de toute sa force de persuasion pour réaliser cette comparaison jusqu'alors inédite.
Et la ténacité du juge va payer. Le 24 mars 1998, il reçoit un coup de fil du docteur Pascal du laboratoire de Nantes (Loire-Atlantique). Ce dernier lui annonce enfin la bonne nouvelle: Il vient d'identifier le tueur de l'est parisien, il s'appelle Guy Georges et il avait gardé son ADN après son arrestation survenue en 1995.
Désormais la traque peut commencer. Un dispositif est mis en place autour des lieux habituellement fréquentés par Guy Georges. Il ne reste plus à la police qu'à le cueillir en douceur. Mais coup de théâtre deux jours plus tard lorsque la station de radio RTL ouvre son journal du matin par une info exclusive: le tueur de l'est parisien vient d'être identifié. La police ne dispose donc plus de l'effet de surprise puisque Guy Georges sait maintenant qu'il est activement recherché.
Heureusement, le 26 mars 1998 à la mi-journée, Guy Georges est interpellé place Blanche à Paris avant d'avoir pris connaissance de l'information. Ca y est, l'ennemi public N°1 est entre les mains de la police.
Présenté devant le juge d'instruction, le suspect va dans un premier temps nier en bloc les faits qui lui sont reprochés. Ce n'est que dans la nuit, alors qu'il est interrogé dans les locaux de la brigade criminelle, qu'il passe aux aveux, du moins pour ce qui concerne les cinq meurtres commis dans les appartements. Guy Georges va se montrer particulièrement précis dans son récit qui correspond en tous points aux constatations des enquêteurs. En revanche il nie en bloc être l'auteur des agressions mortelles d'Elsa Benady et de Catherine Rocher, commises dans des parkings.
Après huit mois d'enquête qui ont permis aux policiers de synthétiser le parcours de Guy Georges depuis son premier meurtre présumé, il est à nouveau entendu à la brigade criminelle le 17 novembre 1998. Mais sachant qu'aucune preuve ne prouve son implication dans ces deux dossiers, il persiste dans ces dénégations. Finalement, en le prenant par les sentiments, les policiers réussissent à le faire avouer mais Guy Georges leur demande un délai de 48 heures avant de signer son procès verbal, qui lui est évidemment accordé. Et comme il l'avait promis deux jours auparavant il signe ses aveux le 19 novembre 1998.
Le procès du tueur de l'est parisien s'ouvre le 19 mars 2001 devant la cour d'Assises de Paris. C'est un homme souriant et décontracté qui apparaît devant les familles des victimes. Mais dès les premiers échanges Guy Georges semble dénué de tout remord et va même revenir sur ses aveux en expliquant qu'ils lui ont été extorqués par les policiers.
En dépit des multiples éléments à charge qui l'accablent, il va poursuivre de manière entêtée à nier l'évidence durant la première semaine du procès. Mais en fin de semaine, une avocate des parties civiles va le mettre face à ses contradictions en lui faisant remarquer que contrairement à ce qu'il avait dit, il se sert indifféremment de sa main droite et de sa main gauche. Guy Georges avait, en effet, quelques jours auparavant, tenté de contredire un expert en découpe de vêtements qui était arrivé à la conclusion que le pantalon des victimes avait été découpé de la main gauche. Or selon lui, il était totalement incapable de se servir de sa main gauche.
Pris au piège, Guy Georges se replie encore un peu plus sur lui-même et refuse de se rendre à l'audience le lundi suivant. C'est donc de force qu'il est extrait de sa cellule et emmené au tribunal où il arrive en injuriant les magistrats.
Mais le lendemain, c'est un tout autre Guy Georges qui apparaît. Il est vêtu de blanc et s'est rasé le crâne. Confronté à Elisabeth Ortega, l'une se ses victimes rescapées, il semble particulièrement mal à l'aise. Sentant que c'est le bon moment pour lui poser la question, Alex Ursulet, son avocat lui demande "Avez-vous agressé Mme Ortega"? Ce à quoi il répond "oui" dans un murmure. Puis il va poser la même question pour les sept victimes décédées et Guy Georges va à nouveau répondre par l'affirmative.
Les familles des victimes sont enfin "soulagées", l'assassin de leur fille reconnaît enfin sa responsabilité.
Le 5 mars 2001, au terme de trois semaines de débats, Guy Georges est logiquement condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une peine de sûreté de 22 ans.
Depuis son incarcération, Guy Georges fait l'objet d'une fascination morbide de la part de jeunes femmes avec qui il échange de nombreux courriers.
Du point de vue législatif, cette affaire et ses ratés ont accéléré la mise en place du Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG) pour les délinquants.
Pour aller plus loin, je vous suggère la lecture de l'excellent portrait de Guy Georges publié sur le site d'Emily Tibbatts.
VERY WELL DONE PASCAL,YOU PUT THE FINGER WHERE IT HURTS.THE FLICS DID THEIR BEST,BUT A BIG MISTAKE NOT TO COMPARE THE DNA OF SK WITH THE OTHER ONES COULD HAVE PREVENT THE DEATH OF THE TWO LAST WOMEN.
Rédigé par : Gill Crepeau | 03 novembre 2011 à 19:33